Domaine de Lindre
L'étang de Lindre s'inscrit harmonieusement dans le pays des étangs, une région caractérisée par ses collines aux pentes douces et abritant un total de 134 étangs. Couvrant une superficie de 1 000 hectares, il se positionne parmi les plus vastes étangs du département. Façonné au fil des siècles par l'activité humaine, qui a donné naissance à des étangs, des forêts, des haies, des champs et des prairies, l'étang de Lindre conserve aujourd'hui son caractère naturel.
Malgré les épreuves du temps, il a résisté à l'urbanisation galopante des dernières décennies, préservant son authenticité face à l'expansion urbaine qui a touché les environs d'autres grands étangs de la Moselle. C'est ainsi que l'étang de Lindre demeure un témoin vivant de l'interaction entre l'homme et la nature, un écrin préservé où la beauté naturelle coexiste avec les empreintes du passé.
L'étang de Lindre joue le rôle de réceptacle des eaux de ruissellement d'un bassin versant étendu, couvrant 103 km². Son réseau hydrographique dense se compose d'une vingtaine d'étangs de tailles variées, soigneusement disposés en chapelets le long des ruisseaux.
Le ruisseau du Speck, bordé par les étangs de Rorbach-lès-Dieuze, Lansquenet et Zommange, trace sa route jusqu'à la confluence avec la cornée de Guermange, donnant naissance à l'étang de Lindre.
Avec ses 27 km de rivage, cet étang dévoile une profondeur maximale de 6 mètres, atteignant une moyenne d'environ 2 mètres. Occupant une superficie impressionnante de 620 hectares, soit 13 millions de mètres cubes d'eau, il se hisse au rang du plus grand étang de pisciculture en France.
Il est également ici que la Seille, à sa sortie de l'étang de Lindre, entame son cours, faisant de cet endroit une source symbolique, nourrissant à la fois la richesse aquatique locale et le parcours sinueux de la rivière.
Sous l'Empire en 1807, l'étang de Lindre change de mains et devient la propriété de la famille Masson après avoir été vendu à des propriétaires privés. Georges-Timothée Masson, un membre éminent de la Société d'Agriculture, oriente son attention vers le développement de la pisciculture dans cette étendue naturelle. En 1843, il partage ses connaissances dans un mémoire détaillant la gestion de son domaine.
Le destin de Lindre prend une teinte aristocratique lorsque le fils de Georges-Timothée, Antoine-Achille Masson, épouse Adélaïde de Montalivet, la fille du comte de Montalivet, ministre de Louis-Philippe. L'étang de Lindre devient alors le témoin silencieux des liens entre la politique et la gestion éclairée du territoire.
Durant la guerre franco-prussienne de 1870, l'étang de Lindre, vidé et transformé en terres cultivables, devient l'objet d'une proposition audacieuse. Edmond Le Bœuf propose d'ouvrir les vannes pour inonder la vallée de la Seille, entravant ainsi la progression des troupes ennemies. Cependant, cet ordre demeure lettre morte, l'étang étant déjà vidé et mis en culture, conformément à la pratique courante tous les trois ans.
En 1908, la famille de Montalivet crée la "Société des domaines de Lindre", une vaste propriété de 1950 hectares comprenant des étangs, des terres cultivables, des prés et des forêts. La gestion de cet ensemble diversifié est confiée à un régisseur compétent. La digue, endommagée par les bombardements américains en 1944 dans le cadre d'une opération visant à contraindre les Allemands à abandonner leurs positions (opération qui, bien que n'ayant eu que peu de résultats militaires, a inondé la ville de Dieuze), est reconstruite en 1946.
La continuité de la propriété de l'étang de Lindre au sein de la même famille pendant 150 ans a joué un rôle crucial dans sa préservation, le préservant ainsi de l'urbanisation qui a malheureusement altéré d'autres étangs de la région. Ce lien familial a permis à Lindre de rester un sanctuaire naturel, préservant son histoire et son caractère authentique.
En 1974, lorsque la famille de Montalivet met en vente le domaine, le site jouit déjà d'une reconnaissance pour son importance écologique majeure. Face à la menace potentielle de projets d'aménagement touristique, semblables à ceux qui ont transformé les abords d'autres grands étangs de la région, l'idée d'établir une Réserve Naturelle est envisagée. Toutefois, ce projet, perçu comme trop contraignant, est finalement abandonné. Le Conseil général de la Moselle, bénéficiant d'un soutien financier de l'État et de la Région, acquiert les étangs du domaine en 1976, empêchant ainsi le développement de projets incompatibles avec la préservation de la richesse écologique du site. Le domaine forestier est quant à lui repris par une société d'assurances, tandis que les fermes trouvent acquéreurs parmi les exploitants agricoles locaux.
De nos jours, le Conseil général de la Moselle, à travers l'établissement du « Domaine de Lindre », maintient une gestion attentive et traditionnelle de l'étang, suivant un cycle annuel intensif. Ce cycle comprend le remplissage et l'alevinage de l'étang au printemps, suivi de la vidange et de la pêche à l'automne. Ce mode de gestion diffère de l'approche plus extensive suivie jusqu'en 1950, marquant un engagement continu envers la préservation et le respect de l'écosystème.
En 2007, la région fait face à des mesures renforcées de surveillance et de vigilance en raison de la grippe aviaire. La découverte de nouveaux cas hautement pathogènes de H5N1 chez des cygnes et canards colverts dans le secteur en mi-2007 incite à une attention particulière pour prévenir la propagation de la maladie.
Fabrice Chandor
Crédit photo Mairie de Dieuze
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